Luanda célèbre Sassou-N’Guesso
Le soleil déclinait sur la baie de Luanda lorsque le président João Lourenço a épinglé, cette semaine, la médaille d’or sur la veste sombre de Denis Sassou-Nguesso. Dans la salle comble du Palais présidentiel, le Congo-Brazzaville et l’Angola ont célébré un demi-siècle de fraternité.
Le chef de l’État angolais a également remis un diplôme d’honneur en classe d’or, soulignant « l’implication décisive » du leader congolais dans la lutte anticoloniale conduite par Agostinho Neto. Le geste fait écho aux épisodes clefs qui ont rapproché les deux peuples sur les rives du fleuve Congo.
Une distinction chargée de mémoire
Selon le communiqué officiel, la décoration récompense également la mémoire de Marien Ngouabi et l’appui logistique, médical et diplomatique fourni par Brazzaville aux maquis du MPLA dans les années 1970. Ces soutiens ont permis à Luanda d’endurer les pressions de la guerre froide sans rompre son élan vers l’indépendance.
« Le Congo a été notre arrière-cour protectrice », a rappelé l’historien angolais Carlos Pacheco, présent dans l’assistance. Il évoque les pistes d’atterrissage de Pointe-Noire, la radio clandestine installée à Dolisie et surtout la diplomatie patiente qui, plus tard, aboutira aux accords de paix tripartites.
La conférence de Brazzaville, tournant diplomatique
Au cœur de cet héritage commun figure la conférence de Brazzaville, tenue le 22 décembre 1988 sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine présidée alors par Denis Sassou-Nguesso. Le conclave rassemblait Cuba, l’Afrique du Sud et les États-Unis pour exfiltrer la guerre civile angolaise du champ des superpuissances.
Ces discussions, conclues par la signature d’accords à New York quinze jours plus tard, ont ouvert la voie au retrait progressif des troupes cubaines et sud-africaines. Pour de nombreux diplomates, « c’était l’un des succès les plus silencieux de la médiation africaine », confie un ancien négociateur congolais.
Des retombées encore visibles
Trente-cinq ans après, l’axe Brazzaville-Luanda demeure l’une des dorsales politiques d’Afrique centrale. Les deux capitales ont multiplié ces dernières années les projets énergétiques transfrontaliers, notamment la mise en service du poste interconnecté de Kimongo et les échanges de produits raffinés issus de la raffinerie de Cabinda.
À l’issue de la cérémonie, les ministres des Affaires étrangères ont signé une feuille de route pour consolider ces partenariats. Elle prévoit un comité mixte semestriel, des facilitations douanières et un nouveau couloir routier entre le port de Pointe-Noire et la zone économique spéciale de Barra do Dande.
Voix et émotions de la diaspora
Dans le public, plusieurs vétérans congolais installés en Angola depuis les années 1980 ont essuyé une larme. « Nous portions des radios sur nos vélos pour capter la Voix de la révolution », se souvient Mavinga Mabiala, ancien technicien. Il voit dans la médaille « un aboutissement partagé ».
La jeunesse des deux rives est également attentive. Sur les réseaux sociaux, des étudiants de l’université Marien-Ngouabi saluent un « rappel utile » au moment où le continent nourrit l’espoir d’une plus grande intégration. Pour eux, cet hommage illustre l’efficacité d’une solidarité africaine assumée par ses propres dirigeants.
Un signal pour les futures médiations africaines
Dans son allocution, Denis Sassou-Nguesso a remercié son hôte avant de réaffirmer « la disponibilité du Congo à partager son expérience de dialogue dans les nombreux foyers de crise du continent ». Une référence à ses récentes missions pour la paix en Libye et au Sahara, saluées par l’Union africaine.
Le politologue camerounais Simon Nko’o estime que la cérémonie « envoie un message clair » : les solutions africaines aux problèmes africains restent privilégiées. Il souligne que les capitales du Golfe de Guinée disposent aujourd’hui d’outils institutionnels, comme la CEEAC rénovée, pour impulser des initiatives collectives de prévention des conflits.
Perspectives économiques et culturelles
Outre les dossiers sécuritaires, les délégations ont évoqué l’accélération de la zone de libre-échange continentale. Brazzaville et Luanda misent sur leurs atouts portuaires complémentaires pour attirer davantage de transbordement régional. Des échanges culturels sont aussi programmés, incluant une exposition itinérante sur l’art makoko et les musiques populaires angolaises.
Les opérateurs privés suivent la dynamique. Le patronat congolais a proposé un forum bilatéral dès le premier trimestre prochain. « Nos PME veulent s’implanter sur le marché de la reconstruction des chemins de fer angolais », détaille Jean-Baptiste Ndinga, vice-président de l’union patronale, convaincu que « la confiance politique ouvre la voie ».
Un demi-siècle, un avenir
En retraçant ces pages partagées, la cérémonie de Luanda rappelle que les liens diplomatiques ne sont pas que des archives. Ils nourrissent des politiques de voisinage actives, des opportunités économiques concrètes et une vision sécuritaire coordonnée. Sous le regard des anciens combattants, un nouveau chapitre s’ébauche déjà.
Comme l’a résumé João Lourenço, « honorer le passé, c’est aussi préparer l’avenir ». Une phrase qui a trouvé un écho particulier chez les Congolais présents, conscients que l’engagement de leur pays dans les luttes de libération demeure un capital diplomatique précieux au service de l’intégration régionale.
À Brazzaville, une cérémonie parallèle est prévue sous peu pour présenter officiellement la médaille au public. Le musée national pourra l’accueillir temporairement avant une tournée éducative dans les lycées. Objectif affiché : transmettre aux jeunes la portée des sacrifices consentis pour l’autodétermination du continent.
