Une légende toujours à l’écoute du terrain
Dans un salon modeste de Poto-Poto, Bagamboula-Mbemba, que tout le monde surnomme Tostao, déroule ses souvenirs avec la même précision qu’un contrôle orienté. À 75 ans, l’attaquant champion d’Afrique 1972 reste l’une des voix les plus écoutées du pays.
« Je parle parce que j’aime ce maillot et je refuse de le voir perdre son éclat », confie-t-il en souriant. Sa prise de parole intervient alors que les Diables Rouges viennent de manquer une cinquième qualification consécutive à la Coupe d’Afrique des nations.
Les causes d’un recul prolongé
Pour lui, la situation actuelle résulte d’abord d’une organisation trop instable. Sélectionneurs qui se succèdent, programmes de préparation réduits : « On ne bâtit pas une équipe la veille d’un match décisif », glisse-t-il. À son époque, les stages s’enchaînaient pendant des semaines.
Tostao pointe aussi l’insuffisance de moyens dévolus aux compétitions internes. Sans saison régulière dans toutes les catégories, les joueurs peinent à franchir les étapes. « Les pays performants sont ceux qui investissent dans la durée », insiste-t-il, sans jamais remettre en question la volonté des autorités.
Dernier élément, la gouvernance des clubs. Il regrette des présidences « personnalisées » où le dialogue se raréfie. Pourtant, rappelle-t-il, « un club est une famille où chacun doit garder sa place ».
La formation, clé du rebond
Le champion de 1972 répète que le talent n’a pas disparu dans les quartiers de Brazzaville ou de Pointe-Noire ; il manque surtout des cadres pour l’épanouir. Il milite pour des centres de formation adossés aux clubs, capables d’accueillir école et terrain de la même main.
Il appelle également à préserver ou réaménager des espaces de jeu dans les communes urbanisées. La disparition des terrains vagues prive selon lui la jeunesse de matches spontanés, véritables laboratoires de créativité technique.
« Le foot se découvre avec ses pieds, pas devant un écran », lance-t-il, convaincu qu’un programme national d’aménagement sportif stimulerait l’éclosion de futurs internationaux.
Des conditions de vie à améliorer
Le footballeur congolais vit aujourd’hui sans contrat long terme ni revenu stable. Tostao se souvient de l’époque où les entreprises publiques embauchaient les joueurs, garantissant salaire et formation professionnelle. « Savoir que le loyer est payé libère l’esprit pour mieux jouer », note-t-il.
Il suggère un partenariat renouvelé entre clubs, secteur privé et institutions pour sécuriser une rémunération digne. Selon lui, le retour d’un cadre social solide accroîtrait l’engagement et limiterait l’exil prématuré des jeunes talents vers l’étranger.
Vers une gouvernance rassemblée
Interrogé sur les tensions observées ces derniers mois, Tostao répond prudemment : « La Fédération et le Ministère sont condamnés à coopérer. L’union fait la force. » Il plaide pour des assises régulières réunissant dirigeants, techniciens, anciens joueurs et arbitres autour d’une feuille de route commune.
Il salue les efforts entrepris par le gouvernement pour moderniser certaines infrastructures et encourage à prolonger cette dynamique. « Nous disposons de stades rénovés ; maintenant, remplissons-les de compétitions régulières et de public enthousiaste », souligne-t-il.
Le sage prêt à reprendre du service
Bagamboula-Mbemba avait tenté de créer un centre de formation avant la pandémie, sans soutien durable. Il a aussi contribué à l’Académie Jean-Jacques Ndomba de Ngania. « Ma porte reste ouverte. J’ai de bonnes intentions et pas de rancœur », assure-t-il.
Sa disponibilité comprend le conseil tactique, l’accompagnement des attaquants et la promotion des valeurs de discipline. « Le football m’a tout donné ; je dois maintenant donner au football », résume-t-il, déterminé à rallumer la flamme rouge de la sélection.
Souvenirs qui inspirent l’avenir
Ses yeux pétillent lorsqu’il évoque la CAN 1972 remportée au Cameroun et le défilé triomphal sur l’avenue Matsoua. Il se rappelle aussi ce but contre le Cameroun, en 1972, qui fit se lever le président Marien Ngouabi dans les tribunes du stade Marchand.
En 1973, il fut sélectionné avec l’équipe d’Afrique aux Jeux Afro-latino-américains de Guadalajara, découvrant un football plus physique et plus rythmé. « Ces expériences montrent que le Congo peut de nouveau briller », conclut-il avant de ranger soigneusement ses anciens crampons.
