Effervescence politique sur l’axe Liboka
Derrière les murs latéritiques de Talangaï, l’esplanade de la mairie a rarement connu pareille affluence en plein cœur de la saison sèche. Orateurs et curieux s’y pressaient à l’invitation de l’Association pour le développement de l’axe Liboka, soucieuse de donner une portée urbaine aux attentes de la soixantaine de villages qu’elle représente. Le mot d’ordre, scandé à plusieurs reprises par les organisateurs, était limpide : persuader Denis Sassou Nguesso d’ajouter de nouveau son nom au bulletin de la présidentielle prévue en mars 2026. Sous un soleil timide, drapeaux associatifs et groupes de danse ont rythmé une matinée où la ferveur publique – essentiellement composée de jeunes travailleurs, de commerçantes et de fonctionnaires en repos – n’a laissé planer aucun doute quant à l’intention de placer la discussion nationale sur des rails favorables au chef de l’État.
Une mobilisation financière inédite
Au-delà des slogans, la démarche a pris une tournure matérielle : une collecte de fonds, organisée séance tenante, a permis aux participants d’ouvrir leur porte-monnaie sur la place publique. Billet après billet, enveloppe après enveloppe, l’urne transparente a symbolisé ce que Maixent Raoul Ominga, président de l’Adal, a qualifié de « contrat moral entre électeurs et candidat ». Selon les décomptes préliminaires annoncés au micro, plusieurs millions de francs CFA auraient été promis, tandis que la collecte doit se poursuivre dans les quartiers périphériques afin d’englober les sympathisants absents ce jour-là. Pour nombre d’observateurs, une telle initiative traduit le désir de s’inscrire dans une campagne plus participative, au moment où les coûts logistiques d’une présidentielle, dont l’État supporte l’essentiel des charges, demeurent élevés (données ministère des Finances).
Les ressorts d’un soutien rural et urbain
Si l’axe Liboka occupe une place modeste sur la carte électorale, son poids symbolique s’avère considérable. Ces villages situés entre la Sangha et la Cuvette rappellent, par leur histoire, le rôle charnière joué par les communautés rurales dans la consolidation des majorités présidentielles. En transportant leur plaidoyer jusqu’à Brazzaville, les représentants locaux entendent démontrer que la fracture ville-campagne peut se résorber autour d’un projet commun : la continuité gouvernementale. Les jeunes citadins, souvent confrontés aux aléas du marché de l’emploi, voient dans cette alliance un levier de stabilité susceptible de protéger les programmes d’insertion déjà engagés par l’exécutif, notamment dans les secteurs de la transformation agro-alimentaire et des services numériques (rapport Ministère du Plan 2023).
Paix et stabilité comme arguments centraux
Dans un contexte régional encore marqué par des transitions politiques imprévisibles, le discours pro-candidature mobilise avant tout la thématique de la paix. Les porte-parole de l’Adal insistent sur la « prévisibilité institutionnelle » que représenterait un nouveau quinquennat de Denis Sassou Nguesso. L’argument, constamment décliné, renvoie aux négociations facilitées par Brazzaville dans plusieurs crises frontalières récentes, mais aussi à la tenue régulière des conseils consultatifs interreligieux qui atténuent les tensions sociales. Interrogé dans la foule, l’universitaire Serge Ngouabi souligne que « la stabilité n’est pas un slogan, c’est un capital politique accumulé » ; une opinion relayée par plusieurs analystes internationaux qui inscrivent la diplomatie congolaise parmi les plus actives d’Afrique centrale.
Un calendrier électoral sous contrôle
Le chronogramme institutionnel fixe la convocation du corps électoral pour le mois de janvier 2026. Cette fenêtre, relativement courte, pousse associations et partis à accélérer la cadence. Les Commissions locales d’actualisation des listes ont déjà reçu leurs ordres de mission, et l’Autorité nationale des élections promet la publication complète du fichier révisé à la fin de novembre. Dans ce paysage calendé, l’annonce anticipée d’une candidature offre aux soutiens du président un avantage stratégique : clarifier le choix dès maintenant permet de réduire les incertitudes internes et de concentrer les ressources sur la mobilisation du vote, expliquent plusieurs cadres du Parti congolais du travail, rencontrés hors micro.
Les défis persistants de la modernisation
Si les appels à la continuité insistent sur la modernisation, c’est qu’ils mesurent l’ampleur du chantier encore ouvert. Le Programme national de développement 2022-2026, pivoté autour du triptyque diversification, industrialisation, inclusion, arrive à un moment charnière. Les indicateurs de la Banque africaine de développement signalent un redressement de la croissance à plus de 3 % l’an, mais alertent sur la vulnérabilité du secteur privé. Les promoteurs de la candidature Sassou Nguesso estiment que seule une vision déjà éprouvée peut porter à son terme la réforme du climat des affaires et le vaste projet d’électrification rurale entamé depuis 2020. Dans les couloirs du ministère de l’Énergie, on rappelle que quelque 1 500 kilomètres de lignes Moyenne Tension restent à déployer pour atteindre les objectifs à l’horizon 2027.
Entre attentes populaires et stratégie politique
À mesure que le compte à rebours avance, la demande collective formulée depuis l’axe Liboka risque de devenir le fil rouge du débat national. Les promoteurs du chef de l’État se félicitent d’un climat « apaisé », tandis que l’opposition, encore discrète sur la ligne à suivre, s’interroge sur la meilleure manière de s’insérer dans une séquence dominée par l’appel à la stabilité. Dans les quartiers sud de Brazzaville, des étudiants en sciences politiques notent que « la conversation demeure ouverte », signe que le pluralisme continue de s’exprimer. Pour l’heure, l’élan populaire, nourri autant par la fidélité politique que par le pragmatisme socio-économique, place Denis Sassou Nguesso dans la position d’un « candidat demandé ». Reste au principal intéressé d’investir ou non ce terrain que ses supporters labourent déjà avec zèle, à la faveur d’une campagne qui, officieusement, a commencé.