Port-Louis, nouveau carrefour pour les PME congolaises
Souriant mais déterminé, l’ancien ministre Alain Akouala Atipault a foulé, le 23 juillet, le tarmac de l’aéroport Sir-Seewoosagur-Ramgoolam avec un objectif clair : transformer la troisième édition de la Foire des entreprises du Congo (FEC) en rampe de lancement vers l’océan Indien. Jusqu’au 29 juillet, le président de la Commission nationale du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs a enchaîné les séances de travail au cœur de Port-Louis, capitale mauricienne réputée pour son environnement d’affaires ultracompétitif. La mission, annoncée dès la clôture de la FEC fin mai à Brazzaville, s’inscrit dans la dynamique de diversification économique soutenue par les autorités congolaises, convaincues que l’ouverture sur de nouveaux marchés consolide la résilience nationale.
Une diplomatie économique assumée
Première étape stratégique : l’Economic Development Board, puissant bras armé du gouvernement mauricien en matière de promotion des investissements. Face à Sachin Mohabeer, son directeur général adjoint, Alain Akouala Atipault a présenté les résultats de la dernière FEC, qualifiée de « vitrine de l’audace entrepreneuriale congolaise ». Selon une source proche de la délégation, le haut fonctionnaire congolais a détaillé le potentiel de l’agro-industrie, des mines de pointe et de la gestion durable des forêts, trois segments jugés compatibles avec l’expertise que l’île a forgée dans la transformation à haute valeur ajoutée.
La diplomatie économique ainsi déployée bénéficie d’un atout majeur : le souvenir encore vif de la visite d’État du président Denis Sassou-Nguesso à l’Île Maurice en 2011. « Nous capitalisons sur la confiance construite depuis quatorze ans », confie un conseiller mauricien. Le cadre politique apaisé des deux pays facilite des négociations qualifiées de « techniques et pragmatiques » par les observateurs.
Les secteurs clés d’une complémentarité prometteuse
Au cours des échanges, six créneaux à fort rendement ont été cartographiés. L’agro-industrie arrive en tête, avec l’ambition de valoriser le manioc, le cacao et le café congolais sur les chaînes logistiques mauriciennes largement tournées vers l’Asie. Les services financiers suivent : Port-Louis, hub reconnu de la zone COMESA, propose des montages adaptés aux PME désireuses de lever des capitaux en devises internationales.
La technologie de l’information et de la communication occupe une place croissante. Les ingénieurs de Brazzaville, formés pour partie dans les universités locales, pourraient bénéficier des accélérateurs mauriciens spécialisés dans la cybersécurité et les fintech. Viennent ensuite la logistique portuaire – l’île dispose d’infrastructures classées parmi les plus performantes de l’hémisphère sud – les zones économiques spéciales, dont le Congo souhaite dynamiser le site de Pointe-Noire, et enfin le tourisme durable, secteur que les deux États identifient comme levier d’emplois qualifiés.
L’enjeu des start-up et de la formation entrepreneuriale
Symbole de cette approche orientée jeunesse, la délégation congolaise s’est rendue à La Turbine, principal incubateur de Port-Louis. « Nos portes sont ouvertes aux créateurs d’entreprises africains », a déclaré Diane Maigrot, directrice générale, soulignant qu’un premier porteur de projet congolais a déjà été recruté. L’écosystème insulaire propose mentorat, financement d’amorçage et accompagnement juridique, autant de volets susceptibles de réduire la mortalité précoce des start-up brazzavilloises.
Pour le business developer Swarna Gujadhur, la clé réside dans l’échange d’expériences : « Le Congo dispose d’une jeunesse inventive ; notre rôle est de lui offrir un cadre de structuration et une visibilité régionale. » Les entrepreneurs congolais ont, de leur côté, exprimé leur intérêt pour la réglementation fiscale claire et l’administration numérique mauriciennes, sources d’inspiration pour les réformes engagées par Brazzaville.
Une passerelle institutionnelle consolidée
La mission s’est achevée par une séance de travail au ministère mauricien des Affaires étrangères en présence de l’ambassadeur Rajkumar Sookun et de l’équipe nationale du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs. L’objectif affiché : croiser les méthodes d’auto-évaluation de la gouvernance, domaine où Brazzaville entend renforcer les bonnes pratiques. « Nos deux pays partagent la conviction que la transparence renforce l’attractivité », a souligné un haut fonctionnaire.
Un accord de principe a été scellé pour constituer des joint-ventures associant capitaux privés congolais et mauriciens. Les partenaires se sont donné six mois pour identifier les premiers dossiers bancables. En parallèle, un programme d’échanges d’experts sera établi afin d’accompagner la montée en compétences des cadres publics et des managers privés.
Vers un corridor mauricien-brazzavillois
Au-delà des communiqués officiels, la mission de juillet inaugure un corridor économique original reliant l’Afrique centrale à l’archipel de l’océan Indien. Les organisateurs de la FEC prévoient déjà une édition 2026 marquée par la présence d’une forte délégation mauricienne, preuve du caractère tangible des engagements pris.
En cultivant un dialogue fondé sur la complémentarité de leurs économies, le Congo et l’Île Maurice démontrent qu’une coopération Sud-Sud peut servir de catalyseur à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Les entrepreneurs brazzavillois y gagnent une ouverture sur de nouveaux marchés, tandis que Port-Louis consolide son rôle de plateforme régionale incontournable. À terme, l’alliance pourrait inspirer d’autres capitales africaines en quête de diversification et d’intégration continentale.