La dynamique globale de l’assainissement urbain
Sous les latitudes équatoriales, la question de l’assainissement transcende la simple collecte des déchets pour s’imposer comme un enjeu de santé publique, de compétitivité économique et d’attractivité territoriale. Brazzaville, forte d’une croissance démographique soutenue, doit relever le triple défi de la gestion des eaux usées, de la valorisation des déchets solides et de la sensibilisation citoyenne. Dans ce contexte, la visite du maire de Charly, commune du sud-Lyonnais réputée pour sa politique environnementale, ouvre une fenêtre stratégique. « Le sujet d’assainissement est au centre des intérêts du Congo », a relevé Olivier Araujo au sortir de son entretien avec le président du Sénat, Pierre Ngolo, confirmant l’alignement de priorités entre les deux rives de l’Atlantique.
Un partenariat décentralisé à l’épreuve du terrain
L’option retenue par les deux parties repose sur la coopération décentralisée, mécanisme qui confère aux collectivités locales la capacité de nouer des accords techniques sans attendre la lourdeur des conventions diplomatiques classiques. Depuis la loi congolaise sur la décentralisation de 2003, renforcée par les réformes de 2011, les mairies congolaises disposent d’un levier juridique pour contractualiser avec leurs homologues étrangers. À Charly, un dispositif de tri en porte-à-porte et un centre de méthanisation ont hissé la commune au rang de laboratoire d’économie circulaire. Brazzaville entend capitaliser sur ces acquis pour adapter, au fil de la Cuvette et du Djoué, une ingénierie qui tienne compte des spécificités tropicales, notamment la saison des pluies particulièrement intense.
Vers une ingénierie conjointe des politiques publiques
Dans l’enceinte feutrée du Sénat, les discussions ont glissé de la technique à la gouvernance. Pierre Ngolo a insisté sur « l’importance de renforcer la chaîne décisionnelle entre arrondissement, département et État central pour garantir la pérennité des projets ». Concrètement, il s’agit de créer un comité mixte d’experts, où ingénieurs de la Métropole de Lyon et cadres du ministère congolais de l’Habitat partageront protocoles de suivi, normes de construction de caniveaux et plans de financement. Les bailleurs, dont l’Agence française de développement, regardent avec intérêt un partenariat qui privilégie la co-conception à la simple assistance. « Nous ne venons pas donner des leçons, mais co-élaborer », a insisté M. Araujo, rappelant que le succès dépendra de la mobilisation des opérateurs locaux, des PME de collecte aux associations de quartier.
Perspectives pour Brazzaville et les grandes agglomérations
Au-delà du transfert d’expertise, c’est toute une filière verte qui pourrait éclore. Les autorités congolaises envisagent déjà l’émergence de petites unités de valorisation des biodéchets capables de produire du compost pour l’agriculture périurbaine. Cette approche circulaire réduirait la pression sur la décharge de Mpila et créerait des emplois non délocalisables. Par ailleurs, la mise en place de bassins de rétention dans les zones inondables du sixième arrondissement témoigne d’un souci d’aménagement intégré du territoire, en phase avec les ambitions climatiques nationales. L’enjeu est double : protéger les populations et démontrer, exemples à l’appui, que le partenariat avec la France constitue un accélérateur et non un substitut à la souveraineté technique congolaise.
Une coopération appelée à s’élargir
Si la première étape concerne exclusivement l’assainissement, les deux délégations ont déjà esquissé des passerelles vers l’énergie renouvelable et la mobilité durable. La mairie de Charly propose un jumelage élargi incluant formations croisées entre lycées techniques, échanges d’apprentis et résidences d’ingénieurs. Pour Brazzaville, cette ouverture confirme la stratégie nationale de diversification économique prônée par le chef de l’État Denis Sassou Nguesso, consistant à tirer parti de partenariats sélectifs pour faire émerger des compétences endogènes. En coulisses, des experts notent que la robustesse institutionnelle du Congo, attestée par la stabilité de sa gouvernance locale, constitue un atout de confiance pour des investisseurs toujours plus sensibles aux critères ESG. L’assainissement, souvent relégué au rang de dépense, se muerait alors en levier d’attractivité et de soft power urbain.