Une passation de pouvoirs sous le sceau de la continuité républicaine
Le 8 août, l’esplanade épurée du siège de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a servi d’écrin à une cérémonie où le protocole républicain a déployé toute la solennité voulue. Sous la houlette du garde des Sceaux, Aimé Ange Wilfrid Bininga, la passation entre Valère Gabriel Eteka Yemet et son successeur Casimir Ndomba a rappelé, par sa fluidité, la stabilité des institutions que le président Denis Sassou Nguesso appelle régulièrement de ses vœux. En déclarant « Je vous souhaite plein succès dans l’exercice de vos fonctions », le ministre a souligné l’importance d’une transition apaisée, gage de pérennité des chantiers engagés et signal fort à l’égard des partenaires internationaux attentifs à la trajectoire congolaise en matière de droits fondamentaux.
Le legs d’un mandat axé sur la visibilité et la structuration
Valère Gabriel Eteka Yemet, six années durant, aura méticuleusement sorti la Commission de la « poussière » administrative dans laquelle elle semblait sommeiller. Son discours d’adieu a mis en exergue une professionnalisation accrue : occupation effective du siège, adoption de règlements internes, et mise en œuvre d’un ambitieux plan stratégique 2019-2021. L’organisation régulière de plénières ou encore la défense quotidienne de centaines de requêtes citoyennes témoignent d’un renforcement du lien entre l’organe national et les justiciables. Il laisse également sur la table des dossiers à la maturité avancée : reconnaissance au statut A au niveau du Réseau des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, installation d’antennes départementales et finalisation d’un protocole de coopération avec la société civile. « Ces chantiers constituent la matrice sur laquelle la nouvelle équipe pourra capitaliser », a-t-il assuré, dossier de passation à l’appui.
Casimir Ndomba : entre gratitude institutionnelle et projet d’envergure
Ancien directeur de cabinet au ministère de la Justice, Casimir Ndomba débarque avec une connaissance fine des rouages étatiques. Ses premiers mots, empreints de reconnaissance envers le président de la République pour « sa vision constante en faveur de la dignité humaine », annoncent une ligne de conduite où indépendance et loyauté institutionnelle ne s’opposent pas. Devant les commissaires, il a dessiné les axes cardinaux de son mandat : consolidation de l’autonomie budgétaire, obtention rapide du statut A, renforcement des mécanismes de suivi des recommandations, et dialogue structuré avec les organisations de la société civile. « La défense des droits humains ne peut être l’œuvre d’un seul homme. Ensemble, faisons de la CNDH un instrument utile à la paix sociale », a-t-il martelé, donnant le ton d’une gouvernance participative.
Le statut A : sésame diplomatique et moteur de crédibilité
Au-delà du symbole, l’accréditation au plus haut niveau par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme offrirait à la CNDH un droit de parole élargi au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Les travaux déjà amorcés sur la conformité législative et la formation des agents devront s’intensifier. Casimir Ndomba entend mobiliser administrations, parlementaires et partenaires techniques pour aligner textes et pratiques aux Principes de Paris. L’enjeu est clair : positionner le Congo-Brazzaville comme une référence sous-régionale, tout en consolidant la confiance des investisseurs sensibles aux indices de gouvernance.
Coopération citoyenne et ancrage territorial : la nouvelle frontière
Sur le terrain intérieur, l’implantation d’antennes dans chaque département vise à réduire la distance entre l’institution et les réalités locales. La récente expérimentation conduite à Pointe-Noire a montré que la médiation rapide d’un délégué départemental peut désamorcer des conflits domaniaux avant qu’ils ne s’enveniment. Dans la même veine, un partenariat renforcé avec les organisations de jeunesse urbaines est envisagé, afin de diffuser une culture des droits dès les bancs universitaires. « La CNDH doit parler le langage des quartiers populaires », confie un conseiller proche du nouveau président, convaincu qu’un enracinement dans les communautés demeure la condition d’une influence durable.
Un signal au monde et un pari sur la jeunesse congolaise
La lecture finale du procès-verbal et la remise exhaustive des dossiers, finances et ressources humaines ont scellé une transmission sans accrocs. Quelques minutes plus tard, les drapeaux repliaient leurs plis alors que les caméras se coupaient, mais le véritable chantier commence à présent pour Casimir Ndomba. Son mandat sera scruté par une génération connectée, exigeante et désireuse de voir les principes constitutionnels se décliner dans le quotidien. En conjuguant rigueur institutionnelle et ouverture sociétale, la CNDH peut devenir, selon l’expression d’un universitaire brazzavillois, « une vigie constructive au service du vivre-ensemble ». La page s’ouvre sur un horizon où droits humains et développement forment un tandem indissociable de l’ambition congolaise.