Un chantier stratégique pour le Pool
La petite localité de Mpiem, à quatre heures de Brazzaville, a vécu un 8 août 2025 inédit : tambours, danses et ruban tricolore ont accompagné le lancement officiel des travaux d’aménagement de l’axe Mpiem-Kindamba, épine dorsale routière du sud-ouest du Pool.
Derrière le cérémonial, le ministre de l’Assainissement urbain, du développement local et de l’entretien routier, Juste Désiré Mondelé, a détaillé un projet d’un montant de 1,7 milliard FCFA pour remettre à niveau 86 km d’une route longtemps considérée comme un goulet pour la mobilité régionale.
Des travaux répartis en deux lots complémentaires
Le premier lot, attribué à la société SIPAM, se concentre sur le recalibrage pur : dégagement d’emprise sur dix mètres, latérite de 20 centimètres, remblais et rectification des pentes pour réduire l’érosion. L’objectif est d’offrir une assise uniforme avant l’arrivée des grandes pluies.
En parallèle, Universelle Atlantique BTP doit sécuriser les franchissements d’eau grâce à dix-neuf dalots, dont un double de section 2×2 sur neuf mètres, appelé à remplacer un pont semi-définitif vieillissant. Ce second lot représente un investissement supplémentaire de 504 millions FCFA.
Selon le directeur technique de SIPAM, Aristide Malonga, « l’alignement des deux chantiers éliminera les ruptures de charge et garantira la circulation durant tout le processus ». Les deux entreprises annoncent mobiliser plus de cent travailleurs issus du Pool.
Impacts attendus sur l’agriculture et les services
Kindamba, Kimba, Mayama et Vinza évacuent chaque semaine manioc, banane plantain et poulets vers Brazzaville. En saison des pluies, le trajet, théoriquement de trois heures, peut grimper à dix. Les chauffeurs préfèrent parfois faire demi-tour, faute de piste praticable.
Le directeur général de l’entretien routier, Landry Francis Gouloundou, résume l’enjeu : « Réduire les temps de parcours, c’est réduire les coûts et augmenter la marge des producteurs ». Il prévoit une baisse immédiate des tarifs de transport de 30 % et une hausse des volumes acheminés.
Au-delà de l’agriculture, les autorités locales rappellent que le corridor dessert cinq centres de santé et vingt-deux écoles primaires. Pour la députée de Mindouli, Adélaïde Moungani, « une route fiable signifie moins d’abandons scolaires et davantage de visites prénatales dans nos districts ».
Financement et calendrier sous contrôle
Le budget de 1,7 milliard FCFA provient du Fonds d’entretien routier, alimenté par la taxe sur les carburants et le péage. Selon le préfet Jules Moukala Tchoumou, le plan de décaissement en trois tranches garantit la disponibilité des fonds.
Le maître d’ouvrage prévoit six mois de travaux, soit deux saisons sèches. Les calendriers fixent l’ouverture complète du trafic pour février 2026. « Nous avons calé les livraisons de gravier et de latérite à la semaine près », assure la cellule de suivi ministérielle.
Pour prévenir les dérapages, le ministère a retenu un bureau de contrôle indépendant chargé de vérifier l’épaisseur réelle du matériau, la portée des dalots et la pente des fossés. Toute non-conformité entraînera une retenue sur la caution de bonne exécution.
Des attentes fortes des populations locales
Dans le marché central de Kindamba, les commerçantes commentent déjà les futurs gains. « Le sac de ciment à 12 000 FCFA pourrait descendre à 9 000 » explique Mama Lucie, vendeuse de matériaux, qui voit là la chance de rénover son échoppe.
Les chauffeurs de taxi-brousse, eux, espèrent une rotation quotidienne au lieu de trois trajets hebdomadaires. « La route nous coûtera moins cher que les amortisseurs », plaisante Didier Ndzono, qui prévoit déjà d’agrandir sa flotte si les promesses de délais sont tenues.
Au-delà du gain économique, plusieurs chefs coutumiers y voient un facteur de cohésion. Les villages isolés seront plus facilement desservis par les services administratifs et sécuritaires, favorisant, selon eux, une meilleure couverture d’état-civil et une circulation plus fluide de l’information.
Une démarche alignée sur la vision gouvernementale
Le ministre Mondelé insiste : « Désenclaver l’arrière-pays est la colonne vertébrale de notre stratégie 2023-2026 ». L’axe Mpiem-Kindamba arrive après Louingui-Ignié et avant Zanaga-Komono, confirmant une priorisation des zones à fort potentiel agricole proches de la capitale.
Pour l’économiste Marcel Moukondo, cette sélection graduelle répond au principe de retour sur investissement rapide : « Plus la récolte atteint Brazzaville vite, plus la fiscalité locale encaisse. On crée un cercle vertueux qui alimente à son tour le fonds d’entretien ».
Les observateurs soulignent aussi la dimension sociale de ces chantiers, vecteurs d’emplois locaux et de transfert de compétences. Les autorités promettent des formations en topographie, maniement d’engins et sécurité routière, afin de pérenniser une main-d’œuvre qualifiée au sein même du département.
Tandis que les engins de terrassement s’activent, l’enjeu reste désormais de maintenir la mobilisation citoyenne : comités de route, radios communautaires et réseaux sociaux relayeront l’avancement. À Mpiem, les habitants promettent de célébrer la première traversée sans ornière d’ici six mois.
Parallèlement, le ministère des Postes prévoit de poser une fibre optique le long du tracé pour profiter du terrassement. « Transport et connectivité vont de pair », explique une note technique consultée. Les négociations avec Congo-Telecom laissent entrevoir une mise en service début 2027.
Ce jumelage pourrait placer le Pool à l’avant-garde des corridors multimodaux intégrés du pays.