La première nomination congolaise aux Talents d’Or
Depuis ce 3 septembre, les jeunes urbains de Brazzaville scrutent la plateforme des Talents d’Or 2025, concours qui sacre chaque année les stylistes les plus novateurs du continent. Pour la première fois, le Congo-Brazzaville y est représenté par Edouarda Diayoka, fondatrice de la griffe Louata.
L’annonce a suscité un mélange de fierté et d’enthousiasme parmi les créateurs locaux. Beaucoup y voient le signe tangible que la scène mode congolaise, longtemps discrète, gagne sa place dans les grands rendez-vous panafricains sans quitter l’ADN qui fait sa singularité.
Un concours panafricain de référence
Les Talents d’Or sillonnent plusieurs capitales africaines depuis près d’une décennie. La compétition réunit cette année des stylistes venus du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Gabon et donc du Congo, chacun défendant une vision singulière de la couture contemporaine.
Au terme des votes du public, les lauréats obtiennent l’opportunité de défiler dans le pays participant de leur choix. Pour ces créateurs, la visibilité promise équivaut souvent à un tremplin vers des contrats de production, des collaborations médias et des boutiques éphémères hors frontières.
Portrait d’Edouarda Diayoka
Diplômée d’une école de commerce, Edouarda Diayoka a troqué la finance pour l’aiguille il y a quatre ans. Sa trajectoire illustre l’audace d’une génération qui mise sur l’entrepreneuriat créatif pour diversifier l’économie congolaise et ouvrir de nouveaux débouchés à la jeunesse.
Reconnaissable à ses tailleurs structurés et à ses couleurs vibrantes, la créatrice revendique une mode accessible mais raffinée. « Montrer que l’on peut porter local sans sacrifier l’élégance » résume-t-elle, attablée dans son atelier du quartier Poto-Poto, haut lieu des tendances brazzavilloises.
La marque Louata, un manifeste textile
Louata tire son nom d’une expression téké évoquant la lumière naissante. Dans les vitrines du centre-ville, ses robes jaune solaire ou bleu indigo contrastent avec les tons plus feutrés des enseignes internationales. Chaque pièce marie une coupe occidentale à une symbolique bantoue, pratique devenue signature.
Pour Edouarda Diayoka, cette hybridation répond aux attentes d’un public métisse culturellement, qui flâne entre réseaux sociaux et marchés artisanaux. Ses tissus, choisis chez des tisseurs de Ouesso et d’Abidjan, revendiquent la traçabilité, argument de plus en plus scruté par la clientèle consciente.
Les rouages du vote payant
Le règlement des Talents d’Or fixe le coût unitaire du vote à 105 F CFA, somme dérisoire à l’échelle d’un café mais significative si l’on ambitionne plusieurs milliers de suffrages. Le modèle finance la logistique et les défilés, tout en testant l’engagement des communautés autour de chaque marque.
Edouarda Diayoka assume l’exercice participatif. Sur Instagram, elle a rappelé : « C’est déjà une victoire d’être sélectionnée. Mais l’aventure ne fait que commencer… J’ai besoin de vous. On fait ça ensemble, pour nous, pour le Congo ! ». Son message a été relayé des centaines de fois en vingt-quatre heures.
Un enjeu pour la jeunesse créative du Congo
Dans les couloirs de l’Institut National des Arts, enseignants et étudiants perçoivent cette nomination comme un cas d’école. « Le succès d’Edouarda peut attirer des investisseurs vers nos filières », analyse Paul-Anicet Ngoma, responsable du département design. Les statistiques ministérielles estiment déjà à 12 % la part d’emplois créés par les industries culturelles.
Au-delà des retombées économiques, l’artiste ouvre un récit collectif où le vêtement devient vecteur de diplomatie douce. Les influenceurs brazzavillois rivalisent désormais de stories pour inciter au vote, transformant un concours de mode en véritable mobilisation citoyenne autour de l’image du pays.
Perspectives sur l’industrie de la mode locale
Les professionnels soulignent toutefois certains défis structurels : coûts élevés des intrants, faibles volumes de production industrielle, circuits de distribution restreints. Les acteurs publics, eux, misent sur la Zone Économique Spéciale d’Imboulou pour attirer des ateliers semi-automatisés susceptibles de réduire les charges.
Dans cette perspective, la visibilité internationale acquise par Louata pourrait encourager des partenariats sud-sud. Plusieurs médias ivoiriens ont déjà consacré des portraits à Edouarda Diayoka, preuve que l’offre congolaise intrigue au-delà de la Cuvette. Les analystes y voient un pas vers une chaîne de valeur régionale intégrée.
Comment participer au rayonnement national
Les résidents de Brazzaville peuvent voter via les plateformes retenues par l’organisation, en saisissant le code unique associé à Louata. Chacun de ces clics, en plus de soutenir une créatrice, valide l’idée qu’un tissu manufacturé localement peut rivaliser avec les marques globales et refléter la modernité congolaise.