Un plaidoyer depuis Doha
Doha s’est transformée cette semaine en caisse de résonance des ambitions congolaises pour l’Unesco. Porteur d’un message du président Denis Sassou Nguesso, le ministre Denis Christel Sassou Nguesso a rencontré le ministre d’État qatari Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi.
Objectif assumé : obtenir l’appui du Qatar à la candidature de Firmin Édouard Matoko au poste de directeur général de l’institution onusienne, dont l’élection est prévue à Paris en octobre 2025.
La demande a été officiellement formulée le 9 septembre, date qui marque le démarrage d’une offensive diplomatique jugée décisive par Brazzaville pour hisser, pour la première fois, un ressortissant congolais à la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.
Un parcours de 30 ans à l’Unesco
Âgé de 62 ans, Firmin Édouard Matoko n’est pas un inconnu dans les couloirs de l’Unesco, où il œuvre depuis 1990. Actuellement sous-directeur général adjoint chargé de l’Afrique, il gère un portefeuille stratégique de programmes éducatifs et patrimoniaux.
Son parcours l’a déjà amené à piloter la stratégie Opérationnalisation 2063 de l’Union africaine, à superviser la reconstruction de la bibliothèque de Tombouctou et à accompagner la mise en œuvre de l’initiative Les Futurs de l’éducation.
Cette expérience de terrain nourrie par une fine connaissance institutionnelle constitue, selon Brazzaville, une carte maîtresse pour défendre les causes émergentes du continent tout en respectant la vocation universelle de l’agence spécialisée.
Une vision centrée sur l’éducation et la culture
Dans la note verbale remise aux autorités qatariennes, le gouvernement congolais insiste sur les quatre piliers de la future mandature : accélérer l’accès équitable à l’éducation, stimuler les industries créatives, réinventer la sauvegarde patrimoniale et promouvoir la culture de paix.
« Nous voulons faire de l’Unesco un catalyseur de solutions concrètes, des salles de classe rurales aux plateformes numériques urbaines », a résumé Denis Christel Sassou Nguesso devant la presse congolaise installée dans la capitale qatarienne.
Les autorités de Doha, réputées sensibles aux initiatives liées à l’innovation pédagogique, ont salué cette orientation. Le Dr Al-Khulaifi a assuré « étudier avec attention » la feuille de route du candidat avant la réunion prochaine du conseil exécutif de l’organisation.
Une campagne diplomatique à plusieurs étages
Le rendez-vous qatari n’est qu’une étape d’un calendrier extrêmement dense. Brazzaville devrait multiplier, dès octobre, les déplacements vers les capitales du Conseil exécutif, de Paris à Montevideo, en passant par Abidjan et Kuala Lumpur.
Un comité de pilotage, installé au ministère de la Coopération internationale, suit au jour le jour l’évolution des soutiens. Il s’appuie sur le réseau diplomatique congolais mais aussi sur des partenaires privés impliqués dans la promotion de l’éducation.
« Nous abordons cette échéance avec humilité mais détermination », confie une source proche du dossier, qui insiste sur la nécessité « d’exposer notre programme avant de parler de chiffres » lors du vote d’octobre 2025.
Focus sur la cinquième liberté de l’air
Au-delà de la campagne pour l’Unesco, la rencontre a permis de remettre sur la table le dossier aérien accordé en janvier 2023 à Qatar Airways. Cette cinquième liberté autorise la compagnie à embarquer des passagers entre Brazzaville et une troisième destination.
Le texte, salué à l’époque comme un atout pour dynamiser le hub de Maya-Maya, attend toujours sa mise en œuvre, faute de derniers arbitrages techniques. Doha s’est engagée à accélérer les discussions avec l’Agence nationale de l’aviation.
Pour Brazzaville, l’ouverture d’un vol triangulaire renforcerait la connectivité sous-régionale et offrirait un signal concret de confiance mutuelle, à même de consolider le soutien qatari lors du scrutin onusien.
Intérêts convergents avec le Qatar
Les deux pays partagent déjà plusieurs chantiers, dont la construction du Centre hospitalier universitaire Cheikh Tamim à Oyo et la formation d’ingénieurs congolais au sein de l’institut Hamad Bin Khalifa.
Dans le secteur énergétique, la société qatarie Nebras Power explore aussi des partenariats pour optimiser la production hydroélectrique congolaise, tandis que les exportateurs de gaz naturel liquéfié demeurent attentifs à la plateforme atlantique de Pointe-Noire.
Cette convergence d’intérêts institutionnels et économiques crée un terrain propice au dialogue. Brazzaville y voit une opportunité de nouer un « partenariat gagnant », selon les termes employés par le chef de la diplomatie congolaise.
Ce que cela changerait pour la sous-région
Si Firmin Édouard Matoko l’emporte, l’Afrique centrale placerait pour la première fois un de ses technocrates à la tête d’une agence culturelle majeure. Plusieurs experts estiment qu’une telle élection revaloriserait la francophonie au sein de l’organisation.
Pour les établissements congolais, un mandat Matoko pourrait attirer davantage de programmes extrabudgétaires, de financements multilatéraux et de coopérations universitaires, en particulier dans le numérique éducatif, secteur en plein essor à Brazzaville et Pointe-Noire.
À plus long terme, cette visibilité internationale s’inscrirait dans la mise en œuvre du Plan national de développement 2022-2026 qui fait de l’économie de la connaissance un vecteur de diversification et de progrès social.
Le processus électoral commencera formellement au premier trimestre 2024, avec le dépôt des candidatures nationales, puis des auditions publiques. La diplomatie congolaise espère rallier au moins vingt-six voix sur les cinquante-huit du Conseil exécutif pour qualifier son champion au scrutin final.