Clap de fin pour une première réussie
Le compte à rebours est lancé : dimanche soir, les dernières bâches du festival Ponton Photo seront repliées, refermant trois mois d’une aventure artistique qui a redessiné le quotidien de Pointe-Noire.
Portée par le photographe-formateur Robert Nzaou et l’Institut français du Congo, cette première édition a placé l’art visuel à portée de tous, du rond-point Lumumba aux vagues de la Côte sauvage.
Cinq sites transformés en galeries pop-up
Durant l’été austral, cinq lieux emblématiques se sont mués en cimaises publiques : rond-point Lumumba, rond-point Kassai, place de la Grande Poste, rond-point Rotary Club et la mythique plage de la Côte sauvage.
Chaque passante, chaque chauffeur de taxi ou collégien en sortie scolaire devenait soudain visiteur, s’arrêtant devant les tirages grand format protégés par des structures légères pensées pour résister au vent marin.
Regards croisés de cinq photographes
La cinquantaine d’images réunissait cinq signatures d’horizons variés : les Congolais Maurice Bidilou, Therance Ralff Lyliann et Robert Nzaou, le Français Renaud Barret et la Sud-Africaine Tshepiso Moropa.
Leur dialogue visuel mêlait scènes de rue, portraits intimistes et paysages industriels, racontant autant l’histoire récente de la cité pétrolière que les espoirs d’une jeunesse en mouvement.
Par exemple, le triptyque de Bidilou sur la mémoire ouvrière juxtapose des vestiges de l’ex-chemin de fer Congo-Océan et les gestes quotidiens des réparateurs de vélos, révélant d’étonnantes continuités dans le travail manuel.
De son côté, Tshepiso Moropa invite à la contemplation avec une série nocturne captée à la plage, où les lumières des tankers créent un ciel étoilé artificiel, hommage discret à la cohabitation entre industrie et nature.
Accessibilité culturelle et démarche inclusive
L’enjeu premier, répète Robert Nzaou, était « de sortir la photographie des salles climatisées pour la mettre à hauteur d’yeux, dans la rue ».
Gratuite et sans barrière linguistique, l’exposition a séduit un public souvent éloigné des institutions culturelles, confirmant, selon l’IFC, que « la curiosité devient moteur dès que l’offre est visible et conviviale ».
Les agents de sécurité dépêchés sur chaque site indiquent n’avoir constaté aucun acte de vandalisme, signe que « la population s’approprie le projet », selon la directrice de l’IFC, Julie Renaud.
Ateliers et projections nocturnes
Au-delà des cimaises, Ponton Photo a proposé vingt ateliers d’initiation au cadrage et au traitement numérique dans les centres sociaux de Tié-Tié et Loandjili.
Les projections de courts-métrages photographiques, organisées chaque vendredi sur la plage, ont rassemblé familles, touristes et professionnels autour d’écrans géants alimentés par des groupes électrogènes silencieux.
Parmi les participants, une quarantaine d’élèves du lycée Chaminade ont réalisé un photoreportage sur la mobilité urbaine, bientôt mis en ligne sur les réseaux du festival.
Réactions du public et retombées locales
Sur le rond-point Kassai, Arlette, vendeuse de beignets, confie avoir « doublé les ventes les soirs de projection », preuve que la culture peut aussi dynamiser l’économie de proximité.
Du côté des établissements scolaires, plusieurs professeurs d’arts plastiques ont inclus la visite des sites dans leurs cours, soulignant l’intérêt pédagogique d’un parcours hors les murs.
Soutiens institutionnels et partenariats privés
Outre l’IFC, le projet a bénéficié du concours logistique de la mairie centrale, des directions départementales de la Culture et du Tourisme et du sponsoring d’entreprises locales comme Tractafric et TotalEnergies.
Ce maillage public-privé a permis la gratuité totale pour les visiteurs et la rémunération équitable des photographes, un modèle salué par l’économiste culturel Joseph Bampala comme « durable à l’échelle d’une ville moyenne ».
Bilan carbone et respect du littoral
Conscients de la sensibilité du littoral, les organisateurs ont privilégié des structures recyclables en aluminium et des impressions sur bâche éco-solvants, réduisant de moitié l’empreinte carbone estimée par l’ONG locale GreenAct.
Après démontage, la plupart des supports seront réutilisés pour une prochaine tournée à Dolisie, limitant ainsi les déchets tout en prolongeant la vie du projet.
GreenAct chiffre aussi à 120 kilogrammes le plastique évité grâce à l’interdiction des supports PVC, une première pour un événement culturel de cette ampleur dans la ville océane.
Vers une deuxième édition élargie
Fort du succès populaire, Robert Nzaou envisage déjà une seconde édition dès juin prochain, avec l’ambition d’ajouter Brazzaville comme scène supplémentaire et d’inviter des photographes d’Afrique centrale.
Des pourparlers sont engagés avec la compagnie ferroviaire pour transporter gratuitement les œuvres entre la capitale et Pointe-Noire, signe que la logistique régionale se met au service de la création.
Les organisateurs étudient la possibilité de sessions de formation certifiantes, afin de professionnaliser de jeunes talents et de créer un pôle photographique permanent à Pointe-Noire.
Une empreinte durable dans le paysage culturel
En refermant ses rideaux, Ponton Photo laisse derrière lui l’image d’une ville capable d’accueillir des projets innovants hors des cadres habituels, et rappelle que la photographie, accessible et plurielle, peut renforcer le vivre-ensemble.
Pour l’historien de l’art Serge Mabiala, l’événement « replace la photographie congolaise sur la carte régionale, en attendant la Biennale de Brazzaville ». Un avis partagé par la plupart des visiteurs interrogés cette semaine.
D’ici là, les clichés empaquetés poursuivront leur route, prêts à être réinstallés dès que la saison sèche le permettra.