Une vie aux multiples visages
À Ntsambitso, village niché près d’Oyo, naît le 22 septembre 1943 Benoît Moundélé-Ngollo. Depuis, le jeune garçon est devenu général, ministre, maire, sportif accompli puis écrivain, cumul d’expériences qui alimente une œuvre littéraire éclectique et foisonnante.
À 82 ans, l’auteur tient toujours la plume avec la même ardeur, convaincu qu’un livre peut changer un destin. Ses admirateurs réclament un hommage anthume, manière de célébrer un patrimoine vivant sans attendre les recensions posthumes qui accompagnent trop souvent les grandes figures.
Le parcours institutionnel de Benoît Moundélé-Ngollo impressionne par sa variété. Général de division, il a veillé à la discipline nationale. Aux Travaux publics, il a suivi la modernisation des routes. À l’hôtel de ville de Brazzaville, il a défendu propreté, culture et ordre urbain.
Un style snoprac libre et assumé
Cette expérience militaire, politique et sportive nourrit un regard concret sur la société. Quand il parle de discipline, il évoque l’entraînement. Quand il demande la paix, il convoque ses souvenirs de soldat. Son écriture mélange action, réflexion et humour pour toucher le plus grand nombre.
Au cœur de cette alchimie stylistique se trouve le fameux snoprac, terme forgé par l’auteur pour désigner un texte affranchi des carcans académiques. Le snoprac refuse les colonnades savantes, il privilégie la limpidité et la musicalité, quitte à bousculer les puristes de la grammaire.
L’expression intrigue d’abord, puis séduit. Elle renvoie à la liberté de ton des conteurs d’antan, capables d’interpeller l’auditoire sans notes savantes. Moundélé-Ngollo y ajoute une pointe de satire qui rappelle la verve d’un Sony Labou Tansi ou d’un Tchikaya U Tam’si.
Des thèmes universels au service de l’éthique
Cette liberté s’attaque souvent aux maux les plus universels. La paix mondiale, la justice sociale, la non-violence, l’écologie ou l’amitié des peuples traversent les pages. L’auteur interroge l’action humaine et enjoint dirigeants et citoyens à rechercher un progrès qui préserve la dignité de chacun.
Ses prises de position se lisent dans des titres aux allures de slogans, volontiers piquants. « Cocktail molotov bourré de vérités détonantes » ou « Micmacs et tripatouillages politiques en démocratie » annoncent la couleur. Le lecteur sait qu’il entrera dans une conversation franche, mais jamais désespérée.
Une bibliographie généreuse et accessible
Depuis 2000, une vingtaine d’ouvrages jalonnent ainsi les librairies congolaises. Ils appartiennent à plusieurs registres, de la lettre ouverte aux chroniques fictives, toujours avec un vernis pédagogique. Moundélé-Ngollo parle au cœur, mais il veut aussi nourrir l’esprit critique des jeunes générations.
Quand il décrit la migration, l’ancien député convoque l’expérience des familles séparées. Quand il évoque la démocratie, l’ex-préfet se souvient des attentes. Chaque sujet est traité à travers des exemples concrets, glanés à Brazzaville, dans les villages des Plateaux ou au fil des rencontres.
Un engagement patriotique pour le livre congolais
Son attachement à la terre natale se remarque également dans ses choix éditoriaux. Tous ses livres sont confiés à des maisons congolaises, parfois encore modestes. Un geste de fidélité qui soutient la chaîne locale du livre, de la correction à l’imprimerie jusqu’à la distribution régionale.
Ce patriotisme tranquille ne s’accompagne d’aucune fermeture. L’auteur multiplie les préfaces signées par des plumes d’horizons variés, du philosophe Théophile Obenga au poète Maxime Ndebeka. Dans ces pages liminaires se construit un dialogue entre générations, cultures et disciplines, reflet de l’ouverture congolaise au monde.
Vers un hommage national attendu
Interrogé lors d’un salon du livre à Pointe-Noire, il confiait : « Un écrivain n’a pas de retraite, il entre seulement en pause ». La phrase résume son énergie. Deux nouveaux manuscrits, annoncés pour l’an prochain, promettent d’explorer la spiritualité et la gouvernance participative.
Dans les établissements scolaires, certains enseignants utilisent déjà ses aphorismes pour dynamiser les cours de français. Les élèves goûtent l’audace de ses images, saisissent mieux le sens d’une syntaxe souple mais rigoureuse. Plusieurs clubs de lecture envisagent de lui consacrer une journée culturelle nationale.
Le ministère en charge de la Culture observe avec intérêt cette mobilisation. Une source interne confirme que des discussions portent sur la création d’un prix littéraire Benoît-Moundélé-Ngollo, destiné à récompenser les meilleures plumes citoyennes. Le projet s’inscrirait dans la stratégie nationale de promotion de la lecture.
La sagesse d’un semeur d’idées
Pourtant, l’intéressé demeure discret. Il préfère se retirer à Ongogni, retrouver son jardin et ses carnets. Là, il affine des métaphores au parfum de manioc et de rivière. « L’écrivain est un semeur », répète-t-il à ceux qui viennent chercher un autographe ou un conseil.
Cette image simple rejoint l’essence même de son œuvre : planter des idées qui grandiront dans le temps. Les nombreux lecteurs, du marché Total aux campus universitaires, en témoignent. Ils citent une phrase, corrigent un comportement, s’autorisent un rêve nouveau après avoir tourné la dernière page.
Rendre hommage à Benoît Moundélé-Ngollo de son vivant, c’est donc saluer une trajectoire exemplaire où le service public, le sport et la littérature s’entrelacent. C’est rappeler qu’un livre congolais peut parler au monde sans perdre son accent. C’est enfin ouvrir la voie aux semeurs de demain.