Le musée Cercle Africain rallume ses projecteurs
À Pointe-Noire, le rideau s’est levé de nouveau sur le musée Cercle Africain, rendu silencieux depuis des années. Le 3 octobre 2025, la salle obscure a retrouvé les projecteurs, signal d’un retour attendu par les cinéphiles et les acteurs culturels locaux.
La relance officielle, placée sous le patronage du directeur de cabinet de la ministre de l’Industrie culturelle Lys Pascal Moussodji, s’est déroulée devant un parterre d’invités comprenant l’ambassadeur d’Italie Enrico Nunziata, des cadres administratifs, des responsables d’Eni Congo et un public intergénérationnel.
Deux projections ont lancé la saison : Dafne, drame italien de Federico Bondi, et Grave Erreur 2, thriller congolais signé Richie Mbebelé. Le dialogue d’images a immédiatement incarné l’esprit d’échanges qui guidera, chaque vendredi, la nouvelle programmation hebdomadaire du musée.
Congo-Italie, un partenariat culturel stratégique
Dans son allocution, Lys Pascal Moussodji a rappelé que « le musée Cercle Africain doit redevenir un lieu de vie, de partage et de découverte ». Il a exhorté les familles, les scolaires et les entreprises à s’approprier cet espace réhabilité avec l’appui de partenaires.
L’ambassadeur italien a, lui, salué la qualité du film congolais présenté. « Entre les deux œuvres, la différence technique est à peine perceptible », a souligné Enrico Nunziata, estimant que l’audace narrative de Grave Erreur 2 mérite un soutien accru des institutions comme des entreprises.
Cette collaboration s’inscrit dans le Plan Mattei, cadre de la diplomatie culturelle italienne en Afrique. Selon l’ambassadeur, le dispositif vise à multiplier les ponts créatifs, à favoriser des coproductions et à faire émerger une circulation régulière d’artistes entre Brazzaville, Pointe-Noire et plusieurs villes italiennes.
Des vendredis cinéma ouverts à tous les publics
Premier musée de la capitale économique, le Cercle Africain a été inauguré en 2018 dans l’ancien siège d’une société de navigation. Ses vitrines racontent l’histoire portuaire de Pointe-Noire, ses quartiers cosmopolites et l’évolution de l’art contemporain congolais.
Durant la pandémie, puis les travaux de rénovation, l’auditorium était resté fermé. L’équipe du conservateur Jean-Marc Nzuzi a profité de cette parenthèse pour moderniser le système de projection, renforcer l’insonorisation et installer de nouveaux fauteuils plus confortables.
Le public a découvert ces aménagements dès la première soirée. A la sortie, Sonia, 24 ans, étudiante en communication, confiait sa surprise : « On se croirait dans une salle européenne, mais avec nos couleurs. Cela donne envie de revenir et de faire découvrir le cinéma local ».
La programmation des prochaines semaines alternera classiques italiens, créations congolaises récentes et rétrospectives de grands auteurs africains. Chaque projection sera suivie d’un échange avec le réalisateur ou un critique, afin de stimuler la réflexion et de former une nouvelle génération de ciné-clubs.
Le septième art comme moteur économique urbain
Pour les professionnels, ce retour à l’écran représente aussi une opportunité économique. Les studios indépendants de la ville manquaient d’un lieu régulier pour tester leurs œuvres et attirer des distributeurs. Le musée, soutenu par Eni Congo, propose désormais un guichet unique de conseils et de rencontres.
Le ministère de l’Industrie culturelle entend inscrire cette dynamique dans la stratégie nationale Vision 2025, qui mise sur la diversification économique par les industries créatives. Un comité de suivi évaluera la fréquentation, la formation et l’impact social des séances prévues jusqu’en décembre.
Les responsables municipaux y voient également un outil d’animation urbaine. L’adjoint au maire chargé de la culture, Frédéric Mapata, estime que la venue hebdomadaire de spectateurs profite aux petits commerces environnants, des vendeurs de maïs grillé aux taxis-motos, dynamisant un quartier longtemps déserté le soir.
De nombreux jeunes réalisateurs congolais espèrent enfin convaincre des partenaires étrangers. « Le Congo déborde d’histoires, il nous manquait juste un écran reconnu pour les montrer », confie Richie Mbebelé, déjà en montage de son prochain projet, qui pourrait bénéficier d’un accompagnement technique italien.
Vers un écosystème cinématographique durable
L’Italie, de son côté, voit dans cet échange une façon concrète d’illustrer la diplomatie des peuples prônée par le président Sergio Mattarella. Les services culturels de l’ambassade annoncent déjà des ateliers de costume, de bande-son et de post-production réalisés par des techniciens venus de Rome.
À moyen terme, le musée envisage de lancer un festival soprana-atlantic, consacré aux cinémas des deux rives du golfe de Guinée et de la Méditerranée. Un dossier de financement est en cours, associant collectivités locales, mécènes privés et fonds européens dédiés à la coopération culturelle.
Une plateforme en ligne, actuellement en développement, diffusera également certaines séances en streaming géolocalisé. L’objectif est de toucher le public des diasporas congolaises, mais aussi les étudiants italiens en langue française, tout en respectant les droits des auteurs et des producteurs.
En rouvrant ses portes à la fiction et au documentaire, le musée Cercle Africain rappelle qu’un patrimoine n’est vivant que s’il se partage. Chaque cliquetis de projecteur, chaque rire ou silence de la salle construit désormais un pont supplémentaire entre Pointe-Noire et le monde.
