Lancement officiel du projet Biseau
Brazzaville vient de lancer officiellement le projet Biseau, une ambitieuse feuille de route dédiée à l’eau potable et à l’assainissement urbain. La cérémonie, tenue le 28 octobre à l’hôtel de ville, a réuni élus congolais et délégation champenoise.
Le député-maire Dieudonné Bantsimba, porteur du dossier côté congolais, a salué une « coopération qui se transforme en actes concrets ». À ses côtés, Jean-Pierre Fortuné, maire de Tinqueux et vice-président du Grand Reims, a insisté sur « l’échange d’expertise sud-nord, mais aussi nord-sud ».
Un partenariat Brazzaville-Reims de longue date
Les deux villes entretiennent un jumelage depuis 1961. Relancée en 2018, la coopération a pris un virage très opérationnel en 2023 après un diagnostic participatif mené dans plusieurs arrondissements. Celui-ci a mis en évidence des besoins prioritaires d’eau, de toilettes publiques et de drainage.
Brazzaville compte aujourd’hui plus de deux millions d’habitants. La forte croissance démographique exerce une pression constante sur les réseaux. « Nous devions passer de l’étude à l’action », rappelle Gisèle Nzaba, directrice municipale de l’hydraulique. Le projet Biseau formalise ce passage.
Trois axes pour un service public modernisé
Premier axe, le renforcement du service public de l’eau potable. La Congolaise des Eaux travaillera avec le Grand Reims et l’Office national de l’Eau et de l’Assainissement du Burkina Faso. Des missions croisées sont programmées dès janvier pour comparer méthodes de comptage, rendement et maintenance.
Ces échanges techniques iront de l’audit des fuites à l’informatisation des branchements domestiques. « L’objectif est de réduire les pertes de 30 % d’ici fin 2028 », précise un ingénieur de la Régie brux. Un appui matériel, notamment des détecteurs acoustiques, est déjà budgétisé.
Deuxième axe, la structuration de la filière des boues de vidange. Aujourd’hui, les camions vidangeurs déversent souvent sans contrôle. Biseau financera une étude de faisabilité pour une station de traitement et aidera la mairie à publier un cadre réglementaire, avec licences et traçabilité numérique.
Un observatoire municipal des boues verra le jour. Il collectera données de volumes et zones d’intervention. Les vidangeurs seront formés aux normes d’hygiène, tandis que la population sera sensibilisée aux risques sanitaires liés à un rejet sauvage des eaux usées.
Troisième axe, les écoles. Quatre établissements des périphéries nord et sud recevront des points d’eau filtrée, des blocs sanitaires séparés filles-garçons, et des jardins pluviaux limitant les inondations éclairs. Les plans ont été co-dessinés avec les directions et associations de parents.
Les enseignants bénéficieront d’un programme pédagogique sur l’hygiène, élaboré avec l’Académie de Reims. Des kits ludiques – affiches, contes audio, jeux de rôle – seront remis aux classes de CE2 à CM2. L’idée est de faire des élèves des ambassadeurs auprès de leurs familles.
681 millions FCFA et des partenaires engagés
Le budget global s’élève à 681 millions FCFA sur trois ans. L’Agence de l’Eau Seine-Normandie apporte près de 40 %. Le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, le Grand Reims et la municipalité de Brazzaville se partagent le reste.
Côté congolais, la part de co-financement inclut l’apport en nature de personnels, locaux techniques et libération de terrains pour les ouvrages. « L’effort budgétaire est soutenable et la plus-value sociale immense », souligne Léon Bouity, directeur de cabinet du maire.
Un comité de pilotage binational suivra l’exécution, avec des réunions semestrielles alternant Brazzaville et Reims. Les indicateurs portent sur la réduction des fuites, le volume de boues traitées et la fréquentation des blocs scolaires. Tous les rapports seront publiés sur le site municipal.
Des écoles pilotes pour sensibiliser dès l’enfance
Dans le quartier de Mayanga, l’école Nganga-Lingolo figure parmi les sites retenus. Son directeur se réjouit: « Nous devrions passer de deux latrines dégradées à huit cabines ventilées. Cela changera l’assiduité surtout des filles pendant les périodes de menstruation ».
Les travaux seront couplés à des aménagements paysagers, arbres résistants à la sécheresse et rigoles pavées, afin de capter les eaux de pluie. Ce volet est financé à hauteur de 22 millions FCFA et servira de laboratoire pour d’autres écoles congolaises.
Cap sur 2028: gouvernance locale renforcée
Au-delà des infrastructures, Bantsimba mise sur la gouvernance. Les conseils de quartiers seront associés au suivi des indicateurs. « L’accès à l’eau est un droit, mais aussi une responsabilité collective », rappelle l’élu en évoquant la prochaine charte citoyenne de l’eau.
Une cellule d’assistance technique accompagnera la mairie pour intégrer les données d’eau et d’assainissement dans le futur système d’information géographique urbain. Cet outil doit faciliter la planification des extensions de réseau, en cohérence avec le Plan directeur d’urbanisme adopté en 2022.
Du côté de Reims, Jean-Pierre Fortuné voit déjà plus loin: « Les défis climatiques lient nos territoires. En partageant nos savoir-faire, nous préparons la résilience de nos deux villes ». Les partenaires espèrent attirer d’autres bailleurs africains et européens sur les prochaines phases.
Le calendrier prévoit un bilan intermédiaire en 2026. Si les indicateurs sont au vert, la phase 2 devrait inclure la réhabilitation de 30 bornes-fontaines et la construction d’un centre de compostage. Brazzaville entend ainsi devenir un modèle régional de gestion intégrée.
