Défi croissant des déchets à Brazzaville
À Brazzaville, les poubelles qui s’entassent au pied des immeubles rappellent chaque jour l’ampleur du défi posé par les déchets ménagers. La croissance démographique et l’urbanisation rapide font bondir la production quotidienne, estimée à près de 1 000 tonnes.
Une partie de ces résidus finit dans les bacs de quartiers, mais une proportion non négligeable échoue encore sur les trottoirs, obstruant parfois caniveaux et chaussées. Cette accumulation crée de multiples nuisances et met à rude épreuve la logistique municipale.
De nombreux habitants interrogés au marché Total confient qu’ils se sentent « démunis » lorsqu’aucun camion ne passe pendant plusieurs jours. Les sacs s’amoncellent alors, attirant moustiques et rongeurs, tandis que les pluies emportent plastiques et détritus vers la rivière.
Un partenariat turco-congolais ambitieux
Consciente de ces enjeux, la République du Congo a confié le 23 avril 2025 la collecte des déchets à la société turque Albayrak Waste Management. Le contrat de cinq ans inclut pré-collecte, transport et curage des caniveaux.
Signé en présence du ministre de l’Assainissement urbain, Juste Désiré Mondelé, l’accord vise à mutualiser l’expertise internationale d’Albayrak et le savoir-faire local. « Nous voulons une ville propre et résiliente », a rappelé le ministre durant la cérémonie devant la presse locale.
Depuis, une flotte de camions de dernière génération sillonne les arrondissements, équipée de systèmes GPS pour optimiser les tournées. Les responsables municipaux évoquent déjà une hausse du tonnage collecté, même si les retards subsistent dans certains secteurs périphériques encore isolés.
Pour assurer la transparence, un comité de suivi regroupant mairie, ministères et société civile publie désormais des tableaux de bord mensuels. Ces rapports indiquent les quartiers prioritaires, les tonnages évacués et les volets d’éducation à renforcer auprès des jeunes.
Les efforts des services municipaux
Les services techniques de la ville ont multiplié les campagnes de curage des drains avant le retour des pluies. Sur l’avenue de l’OUA, les ouvriers ont retiré plusieurs tonnes de sable et bouteilles, libérant l’écoulement vers la rivière Mfoa.
En parallèle, le concessionnaire installe de nouveaux conteneurs métalliques à couvercle sécurisé. Leur coloris vert vif, choisi pour être facilement repérable, encourage les résidents à déposer les ordures au bon endroit, loin des caniveaux et des bas-fonds encombrés.
La municipalité a également relancé les tournées nocturnes pour limiter les embouteillages diurnes. Entre 23 heures et 5 heures, les camions compacteurs traversent les grands axes, réduisant les nuisances sonores grâce à des moteurs aux normes euro-5 modernes.
Responsabilité citoyenne au cœur de la réussite
Les autorités insistent toutefois sur la dimension participative. « Aucun opérateur ne peut relever seul le défi si la population continue à déposer ses ordures en vrac », martèle le directeur de la propreté urbaine, invitant chacun à trier et emballer correctement.
Dans plusieurs arrondissements, des associations de jeunes organisent des journées « Ma rue sans déchets ». Munis de gants et de sacs biodégradables, les volontaires collectent jusque dans les venelles, sous l’œil bienveillant des chefs de quartier et des riverains.
Le ministère mène parallèlement une campagne radio-télé baptisée « Zéro plastique dans la nature ». Spots en lingala, kituba et français montrent les gestes corrects et rappellent les sanctions désormais prévues pour dépôt sauvage, allant des travaux d’intérêt général aux amendes.
Impacts sanitaires et environnementaux maîtrisables
Selon les médecins du Centre hospitalier Mère-Enfant, les consultations pour diarrhées saisonnières baissent déjà dans les quartiers où la collecte est régulière. Ils soulignent l’importance de maintenir cette tendance pour prévenir typhoïde, paludisme et autres pathologies liées à l’insalubrité.
Le professeur de géographie urbaine Rodrigue Mabiala rappelle que la gestion des déchets influe aussi sur la résilience climatique. Des caniveaux libres garantissent l’évacuation des pluies intenses, réduisant le risque d’inondations soudaines et de dégradation accélérée des chaussées.
L’Agence congolaise de l’environnement pilote un projet pilote de compostage communautaire à Makélékélé. Les résidus organiques sont transformés en engrais pour les jardins urbains, montrant qu’une partie du gisement peut devenir ressource et générer des revenus pour les associations locales.
Perspectives et solutions durables
À moyen terme, Albayrak prévoit d’ouvrir une station de tri-sélection à Maloukou. Les matières recyclables y seront compactées, avant d’être expédiées vers des filières spécialisées. Ce centre devrait créer plus de 150 emplois directs, selon la société partenaire turque et son partenaire.
Le gouvernement mise aussi sur la digitalisation. Une application mobile, actuellement testée, permettra aux résidents de signaler un bac plein ou un dépôt illicite. Les équipes d’intervention recevront une alerte géolocalisée et pourront ajuster leur circuit en temps réel.
À l’horizon 2030, les autorités souhaitent atteindre un taux de valorisation supérieur à 40 %. Cela suppose une montée en puissance du tri à la source, de la collecte sélective et de partenariats avec l’industrie locale du recyclage naissante congolaise.
Au-delà des chiffres, la réussite dépendra de l’engagement collectif. Chaque sac bien déposé et chaque caniveau libéré forment une victoire quotidienne pour l’image et la santé de Brazzaville.
