Sit-in devant le ministère : un malaise social visible
Brazzaville s’est réveillée, lundi 30 octobre, avec un cordon de gilets orange massés devant le cabinet du ministère de l’Assainissement urbain. Ces anciens agents d’Averda, société autrefois chargée de la collecte des déchets, réclamaient bruyamment leurs salaires impayés et décomptes finaux.
Quelques heures plus tard, le ministre Juste Désiré Mondélé convoquait la presse pour rappeler les règles du jeu : privilégier le dialogue social ou saisir le tribunal du travail, plutôt que d’installer un bras de fer potentiellement nuisible à la salubrité publique.
Des arriérés de salaire au cœur des doléances
Derrière les banderoles, la principale revendication se lit en chiffres : plusieurs mois d’arriérés, selon les manifestants, et un solde de tout compte jugé insuffisant depuis la fin de contrat intervenue en 2022 entre Averda et les municipalités de Brazzaville et Pointe-Noire.
Certains ex-agents assurent avoir vu la reprise d’activité se poursuivre sous la bannière de la société turque Albayrak, sans qu’un transfert automatique de personnel ne soit négocié. D’autres disent survivre grâce à des petits boulots, en attendant une issue judiciaire ou politique.
Le message ferme du ministre Juste Désiré Mondélé
Face aux caméras, le ministre a affiché une empathie mesurée : « Nous comprenons la détresse de ces pères de famille, mais le droit doit rester le cadre », a-t-il insisté, rappelant que le contentieux relève du tribunal du travail, pas du pouvoir exécutif.
Il a toutefois garanti que, dans l’exécution du protocole transactionnel signé avec l’entreprise, le gouvernement veillerait à ce que toute rentrée financière priorise les droits sociaux des anciens salariés, afin de préserver la paix sociale indispensable aux grands chantiers urbains.
Le cadre juridique privilégié par les autorités
Dans le même temps, le ministère réfute toute idée de rupture brutale : le contrat avec Averda serait simplement arrivé à expiration, les négociations pour un renouvellement ayant été perturbées par une grève illimitée déclarée en 2021, selon les services techniques.
« La société n’a pas disparu », insiste un cadre, évoquant des démarches administratives toujours actives. Le rappel vise à rassurer les créanciers et à encourager une résolution amiable, loin des heurts, pour éviter de ralentir la modernisation du réseau de collecte des déchets.
Des pistes d’emploi dans les nouveaux chantiers urbains
Le Code du travail congolais prévoit que les litiges individuels ou collectifs soient tranchés d’abord par l’Inspection du travail, puis, si nécessaire, par le tribunal compétent. Les autorités exhortent donc les ex-agents à rassembler contrats, bulletins de paie et décisions syndicales avant toute audience.
Selon Me Sylvie Bemba, avocate spécialisée en droit social, « le succès d’une action dépend souvent de la traçabilité des preuves ». Elle suggère par ailleurs une médiation, procédure rapide susceptible de déboucher sur un protocole d’accord homologué, évitant les lenteurs judiciaires.
Voix de terrain : anciens salariés partagés
Au-delà des prétoires, l’horizon de l’emploi se dessine à nouveau. Le gouvernement s’apprête à lancer une vaste campagne d’assainissement et de pavage dans les quartiers périphériques. L’expertise de balayeurs, chauffeurs et mécaniciens formés chez Averda pourrait y trouver une place.
Juste Désiré Mondélé insiste toutefois sur la discipline : « Nous avons besoin de professionnels, pas de désordre. Les recrutements se feront par appel public, avec des critères clairs ». Un message perçu comme une main tendue, sous condition de respecter le cadre institutionnel.
Salubrité publique, attractivité et développement
Joël Makita, ex-chauffeur, confie queue basse : « J’ai trois mois de loyer en retard, mais je veux régler ça légalement ». Il dit avoir déposé son dossier à l’Inspection du travail, espérant une conciliation avant Noël pour reprendre le volant, quel que soit l’employeur.
À quelques mètres, Émilienne Ndinga, ancienne balayeuse, reste plus sceptique : « On nous promet beaucoup, mais on ne voit rien venir ». Elle envisage cependant de répondre aux futurs appels à candidature, tout en poursuivant son petit commerce de légumes pour assurer le quotidien.
Pendant que le conflit se cherche une issue, Brazzaville et Pointe-Noire produisent toujours environ 1 500 tonnes de déchets par jour. Les camions d’Albayrak tournent, mais la moindre perturbation pourrait rapidement saturer les décharges et impacter la santé des populations urbaines.
Les spécialistes rappellent que la continuité du service d’hygiène conditionne aussi l’attractivité économique des villes. « Assainissement et tourisme vont de pair », résume l’économiste Urbain Mbéri, pour qui la résolution rapide du litige permettra de sécuriser les investissements et limiter les maladies d’origine environnementale.
Vers une charte sociale pour le secteur de la propreté
Entre les tribunaux et les projets annoncés, l’année 2024 pourrait donc marquer un tournant pour les anciens travailleurs d’Averda. Leur réintégration potentielle dans la nouvelle dynamique urbaine dépendra autant de la justice que de leur capacité à saisir les opportunités à venir.
Le ministère planche déjà sur une charte sociale destinée aux entreprises de propreté opérant au Congo. Ce document, attendu au premier semestre, définirait des obligations claires en matière de paiement, de formation continue et de dialogue social, afin d’éviter la répétition de crises similaires.
