Oyo devient le carrefour régional de la transition
Le Centre d’excellence pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique d’Oyo, implanté dans la Cuvette, a accueilli une conférence scientifique d’envergure, prolongement du lancement du Réseau pour la recherche sur la transition énergétique en Afrique centrale, ReTEAC, tenu à Brazzaville.
En trois jours, enseignants-chercheurs venus du Brésil, d’Écosse, du Cameroun, du Gabon ou encore de la République du Congo ont partagé méthodes, résultats et ambitions, avec un objectif commun : accélérer une transition énergétique durable, inclusive et créatrice d’emplois qualifiés.
Partage d’expériences, moteur de solutions communes
Dans son allocution d’ouverture, la directrice exécutive du centre, le Dr Maryse Nkoua Ngavouka, a souligné que la région faisait face à « des défis similaires dont la réponse passe par des solutions mutualisées ». Elle a plaidé pour une coopération scientifique sans frontières disciplinaires.
Ateliers méthodologiques, tables rondes et démonstrations de prototypes ont favorisé un dialogue entre ingénieurs, économistes, sociologues et juristes. Les échanges ont porté sur l’adaptation des technologies vertes aux contextes ruraux, l’amélioration des cadres réglementaires et la montée en compétences des techniciens locaux.
Biogaz, une piste accessible et inclusive
Le Brésilien Alessandre Sanches Peteira, spécialiste reconnu du biogaz, a détaillé le potentiel de cette énergie issue de la valorisation des déchets organiques. Selon lui, « le biogaz convertit un problème sanitaire en ressource propre », tout en restant abordable pour les ménages modestes.
Des retours d’expérience, présentés par des municipalités camerounaises, ont montré qu’un digesteur familial de quatre mètres cubes couvre les besoins journaliers d’une cuisine et d’un petit éclairage, réduisant les fumées domestiques et la pression sur le bois énergie, encore très utilisé dans la sous-région.
Solaire photovoltaïque et réseaux de recherche
Kathryn Jeffrey, professeure associée à l’université de Stirling, a mis en avant les récents progrès des cellules à hétérojonction, moins sensibles aux fortes températures équatoriales. Elle a insisté sur l’importance de valider les performances sur site, plutôt que de s’en tenir aux seuls tests en laboratoire.
La scientifique a rappelé l’expérience pilote menée à Impfondo, où dix toitures scolaires ont été équipées de panneaux solaires couplés à des batteries lithium-fer-phosphate. Après dix-huit mois, la production couvre 85 % des besoins des établissements et alimente même une borne de recharge pour motos électriques.
L’initiative s’inscrit déjà dans une approche de réseau. « Nous voulons relier les sites, partager les données de production en temps réel et répondre rapidement aux pannes », précise la professeure. L’idée a séduit plusieurs représentants universitaires, prêts à mutualiser plateformes de suivi et expertises.
Les retombées attendues pour les territoires congolais
Au-delà du cercle académique, la conférence d’Oyo vise des impacts concrets. Les autorités locales comptent s’appuyer sur les recommandations pour élaborer des plans d’électrification rurale basés sur un mix solaire-biogaz, complémentaire au réseau national géré par la Société nationale d’électricité.
Éric Obili, ingénieur énergie à la mairie de Boundji, y voit une opportunité de moderniser l’éclairage public : « Les lampadaires solaires réduiraient nos factures et rassureraient les commerçants qui ferment tôt par manque de lumière ». Des discussions préliminaires sur un projet pilote sont engagées.
Le secteur privé suit l’évolution avec attention. Un cluster d’entreprises congolaises de maintenance industrielle, présent à la conférence, a proposé de former des techniciens en électrotechnique verte. Objectif annoncé : créer cent emplois directs d’ici deux ans et doubler la taille du marché local des équipements solaires.
Prochaine étape : un incubateur régional de l’innovation
Pour maintenir la dynamique, le Centre d’excellence d’Oyo prévoit de lancer, dès le second semestre, un incubateur spécialisé dans les technologies propres. L’infrastructure offrira un accès à des laboratoires partagés, à un fab-lab et à des mentors, afin de transformer les prototypes en solutions commercialisables.
Une enveloppe de deux milliards de francs CFA, mobilisée grâce à des partenariats public-privé, devrait financer les premières promotions de startups. Les candidatures seront ouvertes aux projets provenant de l’ensemble des pays membres du ReTEAC, renforçant ainsi l’intégration sous-régionale autour de l’innovation énergétique.
« Nous voulons que la jeune génération voie l’énergie propre comme un secteur d’avenir, pas seulement comme un sujet de recherche », insiste le Dr Nkoua Ngavouka. Elle souligne l’alignement du programme sur la stratégie nationale de diversification économique pilotée par le ministère de l’Économie.
Les participants se sont quittés sur une note d’optimisme prudent, conscients des défis de financement mais galvanisés par la volonté commune. Plusieurs ont déjà inscrit la prochaine édition à leur agenda, convaincus que l’énergie durable est devenue, à Oyo, plus qu’un concept : un chantier collectif.
Rendez-vous est pris, selon le comité d’organisation, pour un suivi régulier via un portail numérique qui diffusera données, appels à projets et webinaires. De quoi ancrer durablement la ville d’Oyo dans le paysage scientifique africain et faire rayonner son centre d’excellence au-delà des frontières.
D’ici là, un rapport complet sera mis en ligne pour compiler les travaux et aiguiller les décideurs publics sur les priorités identifiées.
