Dolisie se prépare à accueillir la BEAC
La cité du Niari s’anime depuis la cérémonie du 8 novembre. Sur un terrain rouge encore vierge, Pierre Mabiala a planté un piquet symbolique et rappelé « la vocation de Dolisie à devenir un pôle financier de l’ouest ». L’image a marqué les esprits.
L’emplacement retenu, derrière le garage administratif, offre une visibilité immédiate sur l’avenue principale et un accès rapide aux grands axes routiers reliant Pointe-Noire et Brazzaville. Les topographes ont déjà délimité trois hectares destinés aux futurs bureaux, parkings et espaces verts.
Cette implantation portera à cinq le nombre d’agences de la BEAC au Congo-Brazzaville, aux côtés de Brazzaville, Pointe-Noire, Ouesso et Oyo. Le réseau national couvrira ainsi les principaux corridors économiques, selon l’institution de Yaoundé chargée de la politique monétaire régionale.
Un choix stratégique pour l’économie du Niari
Les autorités économiques soulignent que le Niari affiche la plus forte croissance agro-industrielle du pays. Plantations d’huile de palme, forêts certifiées et mines de talc irriguent déjà un tissu de PME exportatrices. Une agence centrale de la BEAC doit fluidifier leurs flux financiers.
« Nos camions mettent six heures pour rallier Pointe-Noire afin d’y déposer la recette du jour », décrit Jean-Baptiste Ngouari, transporteur. « Demain, nous passerons au guichet à midi et retournerons au chantier avant la tombée du soleil ». La perspective séduit les patrons locaux.
Dolisie est aussi un carrefour ferroviaire depuis la réhabilitation du CFCO. Chaque partage de richesses créées dans le corridor Atlantique-Hinterland passe par ses quais. Pour la municipalité, disposer sur place des instruments de refinancement consolidera son rôle de plaque tournante commerciale.
Un bâtiment aux standards modernes et sécurisés
Le cabinet d’architectes retenu, basé à Douala, a livré les plans fin octobre. Le futur siège comptera une façade vitrée à double peau, des coffres bétonnés de 2000 m³ et un centre de traitement monétique blindé. Les normes anti-intrusion CEMAC y seront appliquées.
Un restaurant du personnel, un parking solaire et des ascenseurs de dernière génération doivent améliorer le confort des agents comme des visiteurs. « Nous voulons une maison régionale exemplaire, vitrine de la finance moderne », glisse un ingénieur de la maîtrise d’ouvrage sur le site.
L’Agence congolaise de l’environnement a validé l’étude d’impact. Toitures végétalisées, réutilisation des eaux grises et matériaux locaux limiteront l’empreinte carbone. Les briqueteries du Niari fourniront les blocs stabilisés, preuve que le chantier irrigue d’ores et déjà l’économie circulaire.
Services financiers et inclusion monétaire
Au-delà de l’approvisionnement en billets, la BEAC offrira des services de change, des guichets de titres publics et un appui direct aux systèmes de paiement. Les banques commerciales pourront réaliser leurs compensations sur place, réduisant les délais de crédit aux ménages.
Les mutuelles agricoles, très présentes dans les villages périphériques, attendent également un accès plus rapide aux dossiers de refinancement. « Un cycle de manioc ne peut pas patienter trois semaines pour un virement », rappelle Hortense Mozita, présidente d’une coopérative féminine de Moungoundou-Sud.
Le projet intègre une plateforme numérique qui permettra l’ouverture de comptes BEAC pour les collectivités locales et le suivi en temps réel des positions de trésorerie. L’objectif est de réduire l’usage du cash et de stimuler la transition vers les paiements électroniques sécurisés.
Réactions des acteurs locaux
Dans les quartiers, la population s’interroge surtout sur les emplois. Selon la direction régionale, près de 120 travailleurs temporaires seront mobilisés durant le chantier et une quarantaine de postes pérennes seront créés après l’ouverture, prioritairement réservés aux jeunes diplômés du Niari.
« Ma licence en économie ne m’a pas encore ouvert de portes, confie Sonia Lebou, 24 ans. Si la banque recrute local, je déposerai mon dossier dès demain ». Le maire, Clément Mavoungou, confirme le lancement prochain d’un guichet unique d’information pour les candidatures.
Les commerçants du marché central espèrent un effet d’aspiration sur le pouvoir d’achat. L’installation de cadres bancaires, le passage régulier de convoyeurs de fonds et la venue de prestataires extérieurs pourraient doper la consommation et encourager l’ouverture de nouveaux services de proximité.
Calendrier et perspectives régionales
L’ingénierie financière est achevée et le budget, estimé à 15 milliards de francs CFA, sera injecté en trois tranches. Les appels d’offres pour le gros œuvre s’ouvrent en décembre. Les premiers coups de pelle sont attendus au début du second trimestre 2024.
La direction nationale se veut rassurante : la mise en service interviendra « au plus tard fin 2025 ». Elle signale qu’une ligne spéciale de la SNE permettra d’alimenter le site en électricité sans coupure, tandis qu’une fibre optique dédiée garantira la continuité numérique.
À terme, l’agence de Dolisie devrait traiter jusqu’à 20 % des opérations fiduciaires de la BEAC au Congo. Un pas de plus vers la décentralisation prônée par le gouverneur Abbas Mahamat Tolli, qui veut rapprocher la banque régionale « des réalités économiques de chaque territoire ».
Les prochains mois seront consacrés à la formation des futurs caissiers centraux, organisée à Brazzaville puis à Douala. L’accent sera mis sur la lutte anti-blanchiment et la cyber-sécurité, compétences indispensables pour un centre de tri de nouvelle génération.
