Un chantier nourricier à l’échelle du pays
Dans un contexte où la sécurité alimentaire demeure un enjeu stratégique, la République du Congo franchit une étape décisive : la mise en place d’un Programme national de cantines scolaires, appelé à succéder au projet pilote « Semences d’avenir ». Fruit d’une coopération sud-sud exemplaire avec le Brésil et d’un accompagnement technique du Programme alimentaire mondial, cette transition entend garantir à chaque élève du préscolaire et du primaire un repas équilibré, préparé à partir d’ingrédients cultivés sur le sol congolais.
L’initiative, annoncée lors d’une réunion de haut niveau tenue à Brazzaville, s’inscrit dans l’ambition gouvernementale de faire de l’école un véritable levier de développement humain. « Nous avons désormais l’opportunité de transformer un programme expérimental en politique publique pérenne », a souligné Gon Meyers, représentant du Programme alimentaire mondial, rappelant que vingt-cinq écoles serviront de pont entre les deux phases.
Un héritage pilote riche d’enseignements
Lancé en 2019, « Semences d’avenir » avait pour double vocation d’améliorer l’accès des petits producteurs aux marchés locaux et de structurer une offre régulière pour l’alimentation scolaire. Les résultats parlent d’eux-mêmes : des taux de fréquentation en hausse de 12 % dans les écoles concernées et une augmentation de 18 % des revenus pour les coopératives agricoles associées, selon les données consolidées par le ministère de l’Agriculture.
Au-delà des chiffres, c’est tout un savoir-faire qui a été capitalisé. Des manuels techniques détaillant les standards nutritionnels, les procédures de contrôle de qualité et les mécanismes d’achat public ont été rédigés puis mis à la disposition des ministères sectoriels. « Les enseignements tirés de la phase pilote guideront l’architecture du programme national », a indiqué un cadre de la Direction des cantines scolaires, évoquant notamment la nécessité d’outils de traçabilité numérique pour assurer la transparence des flux.
Un montage institutionnel concerté
La réussite de la future couverture nationale repose sur une gouvernance partagée. Le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation assurera le pilotage pédagogique, tandis que celui de l’Agriculture coordonnera la mobilisation des filières vivrières. Le Trésor public, pour sa part, travaille déjà à un modèle de financement mixte combinant contributions budgétaires, appuis multilatéraux et micro-taxe de solidarité sur certains produits importés à forte consommation urbaine.
La dimension internationale demeure tout aussi déterminante. « Le Brésil continuera d’apporter son expertise technique et plaidera auprès d’autres partenaires pour consolider la durabilité de l’action », a affirmé Ana Suza, chargée d’affaires de l’ambassade du Brésil, rappelant l’expérience pionnière de son pays en la matière.
L’ancrage local, clé de la durabilité
À Kinkala, Ngo et Sibiti, des groupements féminins témoignent déjà des changements induits par la demande scolaire. Mbanza Odile, présidente de la coopérative « Terroirs de Pool », confie avoir doublé sa production de patates douces et investi dans un petit moulin à farine. « L’assurance d’un débouché régulier bouleverse nos projections. Nous pouvons contractualiser et emprunter avec moins de risques », explique-t-elle.
Le cahier des charges privilégie en effet les produits emblématiques des terroirs : manioc, banane plantain, poisson d’eau douce, légumes feuilles. Cette orientation réduit la dépendance aux importations et valorise les circuits courts. Elle répond également aux recommandations nutritionnelles qui préconisent un apport équilibré en protéines et micronutriments adaptés au contexte local.
Des retombées socio-économiques immédiates
Sur le terrain, les enseignants notent un recul tangible des abandons scolaires, particulièrement dans les zones rurales où le repas gratuit constitue souvent la principale incitation à la fréquentation quotidienne. La directrice de l’école de Komono observe « un regain d’attention en classe après la pause de midi », signe que la nutrition se traduit en performances académiques.
Par ricochet, la structuration des achats publics stimule la formalisation des petits exploitants : immatriculation au registre du commerce, accès à la protection sociale, et formation à la gestion. Cette dynamique devrait, selon les projections du Bureau national de la statistique, générer près de 3 000 emplois directs supplémentaires dans la logistique et la transformation agroalimentaire d’ici trois ans.
Perspectives et attentes citoyennes
La généralisation à l’échelle nationale soulève néanmoins des questions légitimes de rythme et de couverture géographique. Les organisations de la société civile insistent sur la nécessité d’une cartographie fine des vulnérabilités afin d’éviter la dilution des ressources. En réponse, le comité interministériel évoque le déploiement progressif par département, adossé à des audits semestriels publics.
Signe de l’attention grandissante de la jeunesse brazzavilloise, les réseaux sociaux relayent déjà des initiatives autour de recettes scolaires dites « 100 % local ». Aussi prudente qu’ambitieuse, la feuille de route gouvernementale mise sur une appropriation communautaire, gage de pérennité. Si la graine a germé dans les 25 écoles pilotes, sa floraison pourrait bien nourrir toute une génération.